14 juillet 2016 • FED Legal • 5 min

Fed Légal a interviewé 3 Directeurs Juridiques ayant changé de secteur d’activité afin de recueillir leur point de vue.


Stéphanie Fougou Directrice Juridique Groupe de Vallourec et Présidente de l’AFJE. Elle est passée du secteur du tourisme et des loisirs (Club Med) à l’équipement industriel en 2014. 

Philippe Andrau est Vice Président & Directeur Juridique Groupe de Suez Environnement. Il est quant à lui passé du monde des médias et des technologies (Technicolor) au traitement de l’eau et des déchets en 2013. 
Enfin, Béatrice Bihr est Directeur Juridique Exécutif de Teva Laboratoires et Administratrice du Cercle Montesquieu. Elle a évolué du secteur des télécoms (118 218) au secteur pharmaceutique en 2015. 


1. Selon vous, quel atout représente un Directeur Juridique venant d’un autre secteur d’activité pour une entreprise ?

Stéphanie Fougou :
Les dirigeants de Vallourec sont très sensibles aux personnes et aux personnalités. Ils cherchaient un profil avec une forte composante gouvernance et peu importait en l’occurrence le secteur d’origine.
Embaucher est toujours un pari et trouver des collaborateurs qui correspondent à vos attentes est toujours un défi.  La richesse est dans la curiosité, l’adaptabilité et la découverte. Trop souvent, les recruteurs cherchent la sécurité et imaginent que la proximité du poste précédent sera gage de réussite. Il faut oser et ne pas se présenter comme expert d’un secteur mais comme une personnalité qui sait s’adapter.

Philippe Andrau : Pour moi, c’est plus une question de compétences que de secteur. Recruter un directeur juridique c’est rechercher les qualités d’un manager avec des expériences passées dans différents industries qui sont mises au service de l'entreprise. Venir d’une autre activité n’est pas un obstacle, bien au contraire. Cela permet d’avoir un certain recul sur le business.

Béatrice Bihr : J’ai toujours privilégié, dans ma carrière la diversité des expériences et des domaines juridiques sans craindre de m’éloigner de ma zone de confort. J’ai également eu l’opportunité d’exercer mon métier en France et aux Etats-Unis. Ce parcours aux expériences complémentaires me permet de porter un regard neuf et de faire preuve de créativité face à des questions juridiques de plus en plus complexes. Je m’appuie bien sûr sur l’expertise métier de mes équipes et de mes conseils lorsque c’est nécessaire.

2. A quelles difficultés avez-vous été confrontés lors de votre intégration ?   

Stéphanie Fougou : Je n’ai pas été confrontée à des difficultés en tant que telles mais comme tout secteur, il dispose de ses caractéristiques propres auxquelles il convient de s’adapter. En l’occurrence, l’industrie du tube est un secteur complexe en termes de technicité et souvent au cœur d’enjeux géopolitiques mouvants, dont les décisions impliquent des investissements lourds et à long terme.  C’est de plus un secteur traditionnellement masculin : être directrice juridique implique de comprendre le secteur, l’entreprise et d’adapter le profil de sa direction aux besoins de la société en termes d’expertise et de priorités...

Philippe Andrau : Prendre un nouveau poste de directeur juridique nécessite forcément un effort d’adaptation rapide. Les compétences requises sont avant tout celles d’un manager et ne sont pas tant influencées par le secteur d’activité. Il faut savoir s’appuyer sur les bons profils de son équipe, comme par exemple en droit public, qui est une matière plus présente chez Suez que chez Technicolor et que je maitrisais donc moins bien.

Béatrice Bihr : Mon passage du secteur des télécoms au secteur pharmaceutique a parfois étonné, les juristes ayant tendance à mener leur carrière dans le même secteur d’activité.
Il est important en arrivant dans une nouvelle entreprise d’être à l’écoute pour bien comprendre sa culture et investir du temps pour cerner ses enjeux commerciaux et stratégiques. Mon adaptation a par ailleurs été facilitée par mon expérience au sein d'un cabinet d'avocats dans lequel j’avais dirigé la pratique droit de la santé et biotechnologies.  L’intégration a donc été rapide et plus aisée que ce que j’avais imaginé.

3. Quels bénéfices tirez-vous de ce changement de secteur ?

Stéphanie Fougou : La découverte d’un secteur passionnant, très pointu techniquement et d’une culture très respectueuse des personnes et de l’excellence. Dans mon domaine plus précisément, j’appréhende des enjeux juridiques et réglementaires nouveaux.

Philippe Andrau : C’est très motivant et enrichissant. Il est nécessaire aussi de rester humble par rapport à ses prédécesseurs tout en apportant sa propre expertise, car tout n’est pas transposable. C’est la magie d’une nouvelle expérience et de nouveaux défis à relever dans un nouvel environnement.
Il est passionnant d’être dans une société avec un chemin à parcourir en tant que groupe. J’apprends et je transmets en même temps.

Béatrice Bihr : Le droit de la santé est un droit particulièrement complexe et passionnant, qui soulève des enjeux majeurs puisqu’il touche à la santé des patients. J’ai la chance d’avoir rejoint une entreprise qui propose des solutions combinant des médicaments génériques et des médicaments innovants.
Cette singularité dans le paysage des laboratoires pharmaceutiques apporte une dimension supplémentaire aux problématiques juridiques à traiter.
Je suis également confrontée à des enjeux de dimension internationale, en tant que membre de l’équipe de management juridique au niveau européen. 


Propos recueillis par Audrey Déléris, consultante senior.